réflexion
Pour son Assemblée générale qui se réunira dans quelques jours à Paris, la FNDIRP a choisi le thème : « Fiers de nos combats d’hier,
confiants en l’avenir ». Serge Wourgaft, membre du Comité d’honneur de la Fédération et vice-président de sa Commission des affaires
internationales, nous fait partager ses réflexions à ce sujet.
Et si le « printemps arabe » qui a marqué
les premiers mois de 2011 avec le grand
espoir qu’il représente en dépit des nuages qui l’obscurcissent avait un lien avec
le programme du Conseil national de la
Résistance (CNR) et celui de l’action de
la FNDIRP durant les 66 années de son
existence ?
Une affirmation quelque peu prétentieuse ? Et pourtant…
C’est à l’unanimité, le 15 mars 1944, en
pleine lutte contre l’occupation nazie, que
les représentants de l’ensemble des organisations de résistance, des partis politiques
et des centrales syndicales, de toutes tendances, adoptaient ce programme.
Son actualité a été illustrée notamment
par le succès et le retentissement considé-
rables du petit livre de Stéphane Hessel,
Indignez-vous ! (1 400 000 exemplaires vendus, publication dans de nombreux pays à
travers le monde), dans lequel il démontre
la pertinence, aujourd’hui, des principes
du programme.
D’ailleurs le fait que certains estiment
nécessaire de le « détricoter », n’est-il pas
aussi la reconnaissance a contrario de cette pertinence ?
On rencontre souvent un anachronisme consistant à évaluer les événements
du passé en fonction des critères du pré-
sent. C’est le cas notamment de ceux qui
rendent hommage aux travaux de CNR
mais considèrent que la possibilité de les
appliquer au monde contemporain relève
d’une touchante naïveté et d’un attachement, certainement respectable, à l’expé-
rience vécue d’un passé révolu.
Et cependant, le programme du CNR,
non seulement par son contenu mais aussi
par le contexte dans lequel il a été élaboré, a une valeur symbolique et donne un
exemple à suivre.
D’abord par le pari formidable sur l’espoir
dans l’avenir qu’il représente. Faut-il rappeler que ces discussions se sont déroulées
en 1943 et au début de 1944 alors que l’issue de la guerre et la victoire des nations
alliées étaient encore loin d’être assurées ?
Et qu’elles se tenaient dans le danger permanent d’une irruption de la Gestapo avec
toutes les conséquences que cela aurait impliqué pour les participants.
Combien auraient pu se dire, comme
on l’entend tellement souvent : « Réglons
d’abord le plus urgent, on verra la suite
après. » Mais pour Jean Moulin, à l’origine du CNR et représentant du général de
Gaulle, et pour les membres du CNR, il
fallait, en dépit de cette situation précaire, préparer l’avenir à court mais aussi à
moyen et à long terme d’une France libé-
rée mais gravement atteinte par les suites
de la guerre et de l’Occupation.
Une exigence de liberté et
de dignité
Aujourd’hui, en France, en Europe
et dans d’autres parties du monde - la
situation n’étant évidemment pas la
même - il y a une tendance de plus en plus
marquée à privilégier uniquement l’immé-
diat, particulièrement à des fins de rentabilité et d’électoralisme. Le long terme,
c’est-à-dire l’avenir et la jeunesse, est né-
gligé. L’exemple du CNR a donc une grande signification sur la voie à suivre.
Un autre enseignement du CNR s’adresse à ceux des adeptes du « modernisme »
pour qui il ne faut pas se référer aux propositions du passé qui seraient par nature
périmées et ne répondraient pas aux pré-
occupations du présent. Or, on l’a dit bien
souvent, l’objectif fondamental du programme du CNR, qui était de construire une société libre, juste, démocratique,
ouverte et socialement équitable, reste
pleinement d’actualité. Mais bien sûr, les
moyens à utiliser et les démarches à poursuivre à cet effet doivent tenir compte du
contexte géopolitique et des avancées scientifiques et technologiques.
La foi dans l’avenir, la volonté de participer à la construction d’une telle société
ont été aussi exprimées dans les messages
adoptés à Buchenwald et Mauthausen lors
de la libération de ces camps.
Les expériences vécues des survivants des
camps, leurs témoignages, en particulier au
Procès de Nuremberg, sur la déshumanisation et le non-droit absolu auxquels ont
conduit des doctrines, poussées dans leur
logique extrême, de la suprématie raciale
et du pouvoir absolu qui en découlerait,
se situent dans le même esprit.
Ainsi s’est imposée aux Nations Unies la
nécessité vitale de tout mettre en œuvre
pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent. Dans ce sens, une importance
toute particulière a été donnée à la dignité
de la personne humaine, un impératif qui
est souligné dans tous les traités et conventions portant sur les droits de l’homme et
le droit international humanitaire.
Ainsi la première phrase de l’Article 1
er
de la Déclaration universelle de Droits de
l’Homme précise que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité
et en droits ». De même l ’Article 3, commun aux quatre Conventions de Genève
sur le droit international humanitaire, insiste sur la nécessité absolue de respecter
la personne humaine.
La FNDIRP, dès sa fondation, a lutté
pour la mise en œuvre des propositions
du CNR et pour le respect partout et par
tous de la dignité de la personne. Elle a
constamment rappelé que la solidarité entre les déportés dans les camps a non seulement contribué pour beaucoup d’entre
eux à leur survie mais aussi, qu’en allant
vers l’autre, au-delà de l’intérêt personnel,
égoïste et immédiat, elle a été un moyen
puissant de la lutte contre l’oppression et
la déshumanisation.
Et c’est cette exigence de liberté et de
dignité qui s’est spontanément exprimée dans les cris et les chants des jeunes
dans la solidarité de leurs mouvements au
Moyen-Orient.
N’est-ce pas là un lien avec l’histoire du
CNR et de la FNDIRP ?
Les dictateurs ne sont plus
entièrement maîtres chez eux
Nous sommes certes encore loin d’une
reconnaissance universelle de ces aspirations et de leur traduction dans les comportements et les faits.
La seconde moitié du vingtième siè-
cle a été tragiquement marquée par des
conflits armés, des génocides, la pratique
de la torture et, de manière générale, par
le mépris du droit international et l’accroissement au plan international comme
au plan national de l’écart entre les riches
et les pauvres.
Aujourd’hui encore on assiste en France et
dans plusieurs pays européens à des mouvements racistes, xénophobes, à la prépondérance de l’égoïsme individuel dans le
déni de l’interdépendance de plus en plus
effective entre les nations du monde.
Mais en même temps, un peu cachés
par les hoquets de l’Histoire, des progrès
lents mais certains existent dans l’institutionnalisation des relations internationales et leurs retombées souvent bénéfiques
au plan national.
Les dictateurs ne peuvent plus considérer qu’ils sont entièrement maîtres
chez eux pour perpétrer leurs méfaits
et pour massacrer leurs peuples luttant
pour leur liberté et leur dignité. Ils peuvent s’attendre, comme le démontrent
les sou lèvements au Moyen-Orient, et
http://www.fndirp.asso.fr/fndirp.pdf