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8 janvier 2010 5 08 /01 /janvier /2010 22:58

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Le rendez-vous a été fixé à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, où, ce soirlà, le cinéma Gérard-Philippe projette le film «Walter, retour en résistance ». Dans ce lieu convivial, on a pour habitude de présenter des films qui incitent à la réflexion et à la discussion, nous apprend le directeur de la salle, qui ajoute : « Celui-ci ne dépareille pas ! Nous sommes le 20 novembre, anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, et nous sommes dans la semaine de la solidarité internationale, ce film a donc toute sa place ici ! » Walter Bassan est venu de Haute- Savoie avec sa compagne Bernadette et le réalisateur Gilles Perret pour animer le débat qui va suivre la projection, la petite équipe se déplace souvent pour assister aux séances et surtout dialoguer avec les spectateurs. Présenté depuis janvier 2009 en Haute-Savoie, le film est sorti le 4 novembre sur les écrans nationaux. Une trentaine de villes a déjà accueilli le film dans pratiquement toutes les régions, les médias en ont parlé et la diffusion se poursuit ; des « tournées », en Bretagne par exemple, sont prévues pour 2010(1). Ce type de film documentaire, mais qui est aussi un film politique, ne rencontre pas forcément le succès. Celui-ci, empreint d’émotion et d’humanisme, mais aussi d’une bonne dose d’indignation, a un impact certain sur le public. Comment l’expliquer ? « Je ne pensais pas que le film susciterait un tel intérêt, répond Walter Bassan. Quand Gilles Perret me l’a proposé, j’imaginais un document à diffuser auprès des élèves des établissements avec lesquels nous travaillons, je ne pensais pas à une sortie nationale ni à un film d’une heure et demie. Je lui ai dit : “Tu es fou, les gens vont se sauver avant la fin !”. Eh bien non, ils ne se sauvent pas, au contraire. Au départ le film portait sur le devoir de mémoire et la citoyenneté, car pour moi l’engagement dans la Résistance représente un engagement citoyen. Mais pendant les deux ans qu’a pris la réalisation, des événements politiques sont survenus, qui nous ont choqués. Parmi eux, le déplacement du candidat Sarkozy à la nécropole nationale des Glières deux jours avant le second tour des présidentielles en 2007 puis une nouvelle visite l’année suivante durant laquelle son comportement n’a pas été celui que le premier personnage de l’État devrait avoir dans ce haut lieu de mémoire : on l’a vu rire et chahuter sans dire un mot des copains qui ont été assassinés làhaut et qui y sont enterrés. Nous avons eu aussi un différend à ce sujet avec Bernard Accoyer, député de Haute- Savoie et président de l’Assemblée nationale, qui a été filmé, ce qui a créé une polémique dans notre département. Le film a pour ces raisons un petit goût acide. Mais réfléchir à la mémoire et à la citoyenneté sans mentionner de tels événements aurait été de la démission. » En tout cas, le spectateur est effectivement touché par ce film aux aspects multiples, dans lequel s’exprime sobrement l’ancien résistant communiste, déporté à Dachau et au kommando de Kempten-Kotern. On le voit témoignant auprès d’élèves de tous âges, accompagnant des lauréats du Concours de la Résistance et de la Déportation au mémorial de Dachau, décrivant la répression, la Résistance, le Conseil national de la Résistance et son Programme, discutant avec son ami John Berger, écrivain britannique engagé qui vit en Haute-Savoie, des méfaits de la mondialisation et du néo-libéralisme. « La plupart des spectateurs découvrent l’existence du Programme du CNR dans le film, reprend Walter Bassan. Ou ceux qui ont entendu parler du CNR ont oublié qu’il est à l’origine de toutes les lois progressistes promulguées entre 1945 et 1952. Sans doute nous, anciens résistants, n’avons pas suffisamment fait pour maintenir la mémoire sous cet angle-là et dire que la Résistance avait aussi pour but de préparer l’après-guerre et la vie politique et sociale future de la France, c’est quand même d’une sacrée importance! Quand on pense que ces hommes pourchassés ont su se regrouper malgré leurs différences et faire bloc, ont réussi à établir un tel Programme, au service de tous! Le rappeler est donc très utile alors que, depuis plusieurs années, nos gouvernements successifs mènent une politique qui menace les avantages sociaux acquis depuis la Libération grâce au CNR, comme la Sécurité sociale, les retraites par répartition… ou l’indépendance de la presse. En 2004, d’anciens résistants lançaient déjà un appel pour le soixantième anniversaire du Programme du CNR, mais il n’a pas eu beaucoup d’écho. En 2007 un dirigeant du MEDEF proclamait qu’il fallait “en finir avec 1945” et “sortir du Programme du CNR”, c’était clair et la tendance ne fait que s’accélérer. Les spectateurs, même s’ils ne font pas de politique, comme ils disent, ont conscience de ce recul et se posent des tas de questions. Je pense que le film et le débat amènent quelques éclaircissements et leur montrent qu’ils ne sont pas seuls à s’interroger, que les “anciens” gardent le cap. Beaucoup de gens nous confient d’ailleurs qu’ils sortent requinqués de ces séances. J’en suis heureux parce que j’estime qu’il faut garder le moral et se battre ! » Souvent les résistants et déportés font preuve d’une capacité d’indignation intacte, que ce soit par rapport à la remise en cause des acquis de la Libération, ou plus généralement des atteintes aux droits de l’homme, au sort des sanspapiers, des réfugiés ou des immigrés. Dans le film, on voit par exemple Stéphane Hessel participer au piquenique de protestation organisé au plateau des Glières après la visite du président Sarkozy et manifester son inquiétude face au recul des valeurs de la Résistance, mais aussi sa volonté de ne pas baisser les bras. « L’indignation est le motif de base de la Résistance, ditil aux pique-niqueurs. Je vous souhaite d’avoir toujours quelque chose qui vous indigne… » Pour Walter Bassan, cette attitude semble aller de soi. « Je suis d’une famille d’antifascistes italiens qui a dû s’exiler, explique-t-il, donc je ne me faisais pas d’illusions sur le nazisme et sur Pétain, je savais à quoi m’attendre. Quand, avec mes deux frères, j’ai rejoint la Résistance à 16 ans, j’éprouvais de la haine envers l’occupant et les collabos et je voulais les combattre, mais je ne peux pas dire que j’avais une conscience civique et politique personnelle. Mon parcours a fait que j’ai connu autre chose et que j’ai beaucoup appris. En revenant de déportation, j’étais devenu un citoyen conscient. Par chance, je n’ai pas été trop amoché par les camps, à la différence de nombreux copains, et j’ai pu commencer dès 1945 à faire du travail sur le terrain. Je n’ai jamais arrêté. Je suis pratiquement toujours sur la même longueur d’onde. Tous les déportés qui ont les pieds sur terre agissent de façon similaire, nous défendons des valeurs de solidarité et d’égalité, nous témoignons non pas pour nous mettre en avant, mais parce que notre expérience nous a marqués et que nous nous devons de dire aux gens : « Vous êtes des citoyens, occupez-vous de la vie publique, occupez-vous de la politique. Car c’est le rôle des citoyens de faire respecter les valeurs républicaines, les valeurs de la Résistance, qui ont malheureusement besoin d’être défendues aujourd’hui. Ce qui me hérisse le poil, c’est de voir un président de la République qui utilise la mémoire de la Résistance tout en tournant le dos aux valeurs de la Résistance. » Lorsque dans le film Walter Bassan témoigne de la déportation, évoquant notamment le destin de l’un de ses frères mort en 1945 à Ohrdruf, un Kommando de Buchenwald, il dit être « le porte-voix de millions d’êtres humains », une bien belle image… « Ce n’est pas de la prétention de ma part, remarque-t-il, en s’excusant presque. Toutes les personnes qui ont été déportées pour quelque motif que ce soit, qui ont été brutalisées, martyrisées, qui ont été sélectionnées à leur arrivée au camp, qui ont été assassinées, si elles pouvaient parler ne diraient-elles pas la même chose, ne défendraient-elles pas les droits universels de l’homme, le respect de l’autre? Je ne parle pas au nom d’une association, mais en mon nom propre, celui d’une victime de la déportation, et surtout d’un combattant de la Résistance qui s’est transformé en militant citoyen ! » Propos recueillis par IRÈNE MICHINE (1) Consulter les programmes de cinéma ou walterretourenresistance.com. En cas de non programmation, des projections peuvent être facilement organisées avec un vidéoprojecteur et un lecteur DVD. Renseignements auprès de la société de distribution au 06 78 89 34 80 ou 06 16 55 28 57. Le PR annonçait dans son précédent numéro la sortie nationale du film de Gilles Perret : « Walter, retour en résistance », consacré à l’ancien résistant et déporté Walter Bassan, adhérent à la FNDIRP de Haute-Savoie. Dans ce film qui connaît un certain retentissement, il est question de Résistance et de déportation, mais aussi des valeurs de la Résistance et de la citoyenneté, du CNR et de son Programme, des acquis sociaux de la Libération, aujourd’hui remis en cause… Rencontre avec un homme qui, comme beaucoup de membres de la FNDIRP, n’a finalement jamais cessé de résister. Walter Bassan © Eric Perret 29 Bat rompus 23/12/09 15:56 Page 1

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commentaires

B
<br /> Il est évident que les sociaux démocrates ont tourné le dos aux résolutions du CNR en cédant aux trompêtes du libéralisme et en acceptant de brader les services publics et des biens de la nation<br /> (le patrimoine de ceux qui n'ont rien)Comment Stephane Essel peut-il soutenir la candidature de F. Hollande?<br /> <br /> <br />
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