« Le jour où les sbires de Vichy sont venus arrêter mon père, dans ce bourg de la Drôme où il croyait trouver le refuge de la zone libre, je n'avais pas quatre ans. A cet âge, on n'est pas tout à fait sorti de sa coquille, on ne comprend pas grand chose au vaste monde. La mémoire est une cire vierge, le tiroir ne s'est pas encore ouvert, où ranger le linge des souvenirs. Pourtant, j'ai gardé l'image précise de cette journée, gravée à l'eau forte. Mon père revenait de quelque marché des environs. Il m'avait rapporté un jeu de cubes en bois et, pour ma sœur, une dînette, des petits plats de terre cuite. Ils étaient trois, qui l'attendaient. Le chef tenait fermement son rôle, le deuxième devait être l'idiot du village qu'on avait affublé d'un képi, le troisième, au milieu des larmes de ma mère, de ma sœur et de mon père, ricanait nerveusement – il aurait préféré être ailleurs, de toute évidence, il se rendait compte de l'ignominie de sa besogne. Moi, je ne comprenais rien à ce qui se tramait là, sous mes yeux, j'étais à des années-lumière... -- enfant, on veut rester dans le lait et la lumière – je refusais confusément la chape de ténèbres qui s'abattait sur la maison, je repoussais le linceul d'ombre. Sur la table, mes dés de bois avaient jeté leur sort. » Henri Zalamansky
Claire Zalamansky, sa fille, constate « Nous, les descendants, on en était resté là. Nous n’avions d’autre choix que de nous accommoder du silence, du mutisme et de notre histoire lacunaire. Interdits de mémoire, jamais nous n’avions entamé la moindre démarche. »
70 ans plus tard, la boîte de Pandore s’entrouvre le 10 mai 2012, sous la plume de Jean-Jacques Garde, maire de La Touche, petit village de La Drôme :
« Habitant ma commune durant une partie de la guerre de 39-45, Simon Zalamansky a été déporté à Auschwitz en 44, puis décédé à Dachau en mars 45. A la demande du Président des Anciens Combattants, Monsieur Maxime Vergier, mon Conseil Municipal tient à honorer sa mémoir