Quarante ans après la disparition de Roland Dorgelès, la réédition de sa description des grands conflits du XXe siècle est un événement. Si l’on retrouva dans l’épais volume publié chez Omnibus, des textes connus comme « Les Croix de bois » ou le « Réveil des morts », on pourra lire ceux plutôt oubliés tels « La Drôle de guerre » ou « Retour au front ». Jeune journaliste engagé dans la Grande Guerre, Roland Dorgelès relate son vécu même si parfois on a l’impression d’une mise en scène des faits. Il n’empêche que « Les Croix de bois » sont un succès en 1919 pour lequel l’auteur obtient le prix Fémina. C’est aujourd’hui l’un des classiques sur la Première Guerre mondiale.
Il y a chez Dorgelès une tentation à la provocation. Sans doute cherche-t-il à faire détester à jamais la guerre. N’écrit-il pas : « C’est une farce, je vous jure que c’est une farce. On la feuillette avec des doigts rouges, c’est tout » ? Pourtant lorsqu’on recherche les motivations de celui qui est à la fois un combattant et un homme de plume on retient cette ambition : « Pas un instant je n’ai songé à tenir le journal de mon régiment. J’avais une ambition plus haute : ne pas raconter Ma guerre, mais La guerre ».
Picard, Dorgelès opte pour la capitale et la butte de Montmartre. Avant que n’éclate la guerre, il fait ses classes dans les quotidiens parisiens et en 1913, il travaille à « L’homme libre », le journal de Georges Clemenceau. Réformé en 1907, il avait tout loisir de rester en marge du conflit. Il est engagé volontaire en 1914 et au terme de ces quatre années effroyables qui ont saigné les familles et provoquées tant de douleur, ce chrétien et patriote un rien anar résume ainsi ce temps : « Vivant, c’est mon seul exploit ».
L’homme qui intègre le 39e RI va combattre sur l’Aisne et la Miette, de la Champagne à l’Artois. Ses descriptions de la vie au front sont violentes, parfois insoutenables : « Du sang partout, des capotes éclaboussées de cervelle, un seul obus qui tue douze hommes et en blesse dix, des centaines de blessés qui se traînent, des morts vite enterrés par un autre obus ». Ses récits sont simples, plus ceux d’un journaliste que d’un écrivain. « C’est de mille traits observés que j’ai façonné chacun de mes personnages » reconnaît-il.
Les récits de Dorgelès ne font pas l’unanimité même si leur succès populaire est patent. L’universi